On entend souvent parler de l’intimidation et du harcèlement (bullying) auxquels sont soumis des jeunes vulnérables en milieu scolaire. Voici un roman suédois qui a pour thème central ce phénomène, La Maison en pain d’épices, de l’auteure Carin Gerhardsen initialement publié en 2008 sous le titre Pepparkakshuset puis traduit par Charlotte Drake et Céline Bellini et publié aux éditions Fleuve Noir.
Le récit s’amorce en octobre 1968 dans la petite ville industrielle de Katrineholm en Suède, dans une classe de primaire, où le jeune Thomas Karlson et sa copine Katarina sont les éternels souffre-douleurs des autres enfants, tant garçons que filles. Le jeune Thomas, orphelin de mère, ne réussit pas à obtenir la sympathie, à défaut de quoi, l’attention de son père qui a mal à assumer sa responsabilité, ou des autorités scolaires qui tournent l’œil. Les abus physiques à répétition, les injures et l’ostracisme lui dérobent sa confiance en lui, il n’est pas l’ombre des gamins de son âge.
Saut dans l’espace-temps, Hamarby (banlieue de Stockholm), novembre 2006, une retraitée de l’enseignement, Ingrid Olsson, rentre chez elle après un séjour à l’hôpital et découvre avec horreur un inconnu mort dans sa cuisine. L’affaire est confiée au commissaire Conny Sjöberg qui conclut sans hésiter à un assassinat. L’identité de la victime est vite établie, il s’agit de Hans Vannenbetrg, 44 ans, père de trois enfants, originaire de Katrineholm et agent immobilier de son état.
Mais l’enquête piétine jusqu’à la découverte dans les jours qui suivent d’un deuxième, puis d’un troisième cadavre. Les victimes, tout comme la première, sont elles aussi âgées de 44 ans et originaires de Katrineholm. Les liens s’établissent rapidement pour les enquêteurs qui démêleront lentement l’écheveau confus de l’affaire.
En parallèle au récit de l’enquête, le lecteur a droit à un journal intime de la personne qui traque et assassine ceux et celles responsables des abus et du harcèlement subis il y a quatre décennies. Et c’est dans ce journal que la victime entre dans le fin détail de l’intimidation subie et vécue qui, on l’aura compris, justifie son instinct de vengeance.
Seconde intrigue plus distincte que parallèle à l’affaire de Katrineholm, celle de la policière Petra Westman, membre de l’équipe d’enquête, qui tente de reconstituer les événements d’une soirée qui a fort mal tourné pour elle et d’en retrouver le responsable. On le sent, Gerhardsen met la table pour une suite des enquêtes du commissariat d’Hammarby qui nous parviendront au gré des traductions.
C’est le premier roman de Carin Gerhardsen qui raconte en entrevue avoir voulu s’éloigner de l’archétype littéraire du policier enquêteur tourmenté par ses propres démons (à la Wallander). C’est pourquoi son personnage de Conny Sjöberg est à l’image du type bien, père de famille, sympathique et sans trop d’histoires. Bien que le style de Gerhardsen soit efficace, l’auteure ne tient pas à trop approfondir ses personnages, préférant accorder tout l’espace psychologique aux émotions. Pourquoi ce thème de l’intimidation? Elle dit avoir été elle-même victime de harcèlement et avoir tiré bon nombre de scènes du livre de ses propres expériences. Un récit impitoyable, tout comme la réalité de l’intimidation d’enfants par d’autres enfants. Somme toute, de quoi se rappeler les mots de Paul Piché, « Pis les enfants c’est pas vraiment vraiment méchant… au fond, ça peut faire tout c’qu’on leur apprend. »